
Qu’est-ce qu’un Style Guide ?
Comme nous l’avons amplement constaté, la direction artistique de Magic : The Gathering ne devait pas laisser longtemps ses illustrateurs battre joyeusement la campagne, la bride sur le cou. Nous allons à présent nous intéresser plus longuement à l’instrument principal de ce recadrage. A partir de l’édition Tempête en 1997 des prescriptions détaillées intitulées Style Guides furent adressées aux artistes, incluant une liste de contraintes dictées par l’environnement du set – même si la liberté créatrice originelle aurait commencé à se voir circonscrite à compter de l’édition Alliances en 1996[1].
Selon l’illustrateur Pete Venters, le succès grandissant du jeu poussa la compagnie à adopter une stratégie artistique plus normative afin de mieux contrôler la production des nombreux artistes fraîchement embauchés. Il s’agissait également de juguler les « fuites » concernant les capacités des nouvelles cartes, en adressant aux collaborateurs sélectionnés une description de la pièce voulue au lieu de donner la mécanique exacte du sort dans le jeu. Ce qui ne pouvait qu’engendrer une approche plus descriptive, au détriment du fonctionnement « évocatif ».
Surtout, la propriété intellectuelle de l’univers et donc des images devenait un souci croissant pour WotC, qui commençait à envisager la vente de produits dérivés – bande-dessinées, films ou jeux vidéos. Un jeu de rôle fut même un temps envisagé, exigeant l’approfondissement de nombreux aspects du lore[2]. Il s’agissait par-dessus tout de donner à chaque élément un look clairement établi et identifiable, codifié et reproductible, et de limiter les risques de contradictions d’une illustration à l’autre. L’objectif étant de définir visuellement un produit ou une gamme de produits, à travers le monde proposé aux consommateurs. Pour illustration, nous pouvons observer ci-dessous la typologie de gobelin propre au monde de Râjh établie dans le guide pour Tempête, suivie de trois interprétations de ces créatures dans des cartes de cette extension et des suivantes.

De telles motivations commerciales sont plus que jamais prégnantes aujourd’hui. La très conséquente poussée actuelle en direction d’un style et d’une iconographie encore plus homogènes a lieu de façon concomitante à la préparation d’une série Netflix située dans cet univers, ainsi qu’au développement d’un jeu free-to-play (Magic Arena) grand public destiné notamment à opérer une percée sur le marché asiatique, globalement assez réfractaire à Magic. Nous constatons ainsi que ce sont des produits secondaires, dont les exigences visuelles et narratives diffèrent nettement de celles d’un jeu de cartes, qui définissent en retour le format papier, et que cela n’a rien de nouveau.

Mais revenons au prototype de cette « bible » de l’illustrateur qu’est le Style Guide. Dès l’élaboration du guide initial, des concept artists furent chargés de définir l’identité visuelle des sorts, des races de créatures, etc. Les premiers à être investis de cette lourde responsabilité furent Anson Maddocks, Mark Tedin et Anthony Waters, en suivant une formule qui demeurera fondamentalement la même en dépit du fréquent renouvellement des responsables artistiques.
En quoi consiste exactement un Style Guide ? Il s’agit d’une « collection de dessins et de descriptions créés spécifiquement pour détailler à quoi vont ressembler les principaux environnements, personnages et races d’une extension ou d’un bloc[3]. » Cela englobe tant les terrains que les artefacts, et la plupart des éléments illustrés sur les cartes : protagonistes, accessoires (armes, vêtements), bâtiments, représentations visuelles des mécaniques de jeu propres à l’extension, etc. Tout cela doit être conforme à la trame mise en place par la « Magic Brand team » (« l’équipe de la marque Magic »). La première partie du document dresse un panorama général du jeu et de ses invariants, alors que la seconde consiste en un descriptif du set planifié[4].
Le Style Guide (actuellement publié sous l’appellation World Guide) d’une extension est définit par une équipe restreinte de concepteurs : après un temps d’échanges pour établir les grandes thématiques et le contexte spatial et historique, le directeur artistique confiait initialement à un groupe de trois à six artistes le soin d’élaborer les différents aspects de ce monde, sur une période de seulement trois semaines. Ces artistes pouvaient et peuvent toujours travailler ou non en tant qu’illustrateurs sur des cartes du jeu. Ensuite, les concepts jugés les plus prometteurs sont développés et redessinés « au propre ». Pendant tout le processus créatif, les concepteurs doivent également garder à l’esprit certains critères définissant la marque, en fonction de son audience, de ses objectifs, en bref de la « vision » du produit telle qu’elle a été déterminée par les commerciaux.
Il convient de mettre à jour ces données, puisque WotC-Hasbro semble avoir voulu accélérer encore la course au worldbuilding en passant à compter de 2015 à la conception de deux mondes par an au lieu d’un seul, afin de sortir quatre extensions au lieu de trois (elles furent alors réparties en deux blocs au lieu d’un unique). Il n’est toutefois pas rare – notamment sans doute pour des raisons de délais – que le jeu « revisite » un cadre déjà connu. Enfin depuis 2017 l’édition par blocs est purement abolie ; le rythme des sorties est redescendu à trois par an, mais les éditions spéciales et les illustrations alternatives semblent toujours plus nombreuses. Chaque nouveau monde voit ses bases intégralement définies par deux concept artists avec le renfort de cinq contractuels extérieurs durant les trois semaines fatidiques[5].

Levons dès à présent un possible malentendu : les Style Guides – du moins les premiers d’entre eux – ne se préoccupaient en aucun cas de régir les styles graphiques employés par les artistes[6]. Comme le rappelle Matt Cavotta (un responsable créatif particulièrement prolixe dans les années 2000), ces derniers étaient engagés pour exécuter des illustrations dans le style qui leur était propre, et chercher à leur imposer des règles techniques ou des contraintes esthétiques en matière de peinture ou de dessin aurait été vide de sens.
Contrairement donc à ce que l’intitulé du document laisse entendre, l’objectif initial d’un Style Guide était uniquement de réglementer l’iconographie. Je ne suis pas parvenu à savoir si tel était encore le cas. Il serait tentant de répondre par la négative, au vu de l’homogénéité grandissante des images ; en réalité il n’est même pas certain que les responsables aient jugé nécessaire d’inscrire noir sur blanc des consignes relatives au style proprement dit. En effet ce processus de nivellement semble d’ordinaire s’opérer au moyen d’un écrémage progressif, en écartant simplement les illustrateurs dont le style ne correspond plus aux attentes de la compagnie, tout en procédant au recrutement d’artistes freelance ayant déjà intégré à leurs travaux professionnels une esthétique proche des standards du « corporate style » recherché. Le Style Guide demeure néanmoins essentiel pour définir une norme iconographique toujours plus contraignante.
Un “guide” quelque peu orienté
Edité en 2004, le préambule descriptif du guide de Champions of Kamigawa décrivait ainsi l’environnement global du jeu :
« Magic est un jeu de bataille d’esprits en face-à-face dans lequel deux guerriers lanceurs de sorts combattent à mort en usant de magie et d’armées de créatures badass. Chaque illustration de carte doit fonctionner dans ce contexte : actif, agressif, cool, vicieux, « nerveux ». Le mot « magepunk » marche pour nous. Rappelez-vous, votre audience est constituée de GARÇONS de 14 ans et plus[7]. »

Les caractères en gras et en majuscules sont dans le texte original. Cette déclaration incantatoire est révélatrice, tant elle est conçue pour insister sur des notions élémentaires, scandées à travers des mots-clefs. Le champ lexical ne saurait être plus martial : « bataille », « face-à-face », « guerriers », « combattent », « à mort », « badass », « armées », « agressif », « vicieux ». L’esthétique du jeu doit être, en résumé, violente et masculine – du moins attrayante pour de jeunes garçons tels qu’ils sont définis par les commerciaux, c’est-à-dire violents et dominateurs. Notons d’ailleurs que l’expression « guerriers lanceurs de sorts » est choisie de préférence à « mages », « magiciens », « sorciers », « enchanteurs », etc. Cela n’est pas anodin. Ce bref paragraphe pourrait faire l’objet de longs développements, mais contentons-nous de déduire ce que le jeu n’est pas censé être si l’on se réfère à ce document : réflexif, contemplatif, subtil, défensif, poétique, méditatif, « féminin » (quoique cela puisse vouloir dire). Le bloc Kamigawa est pourtant loin d’être le moins subtil, y compris visuellement.
Mais je vous entends déjà : « Et alors ? Magic est bien censé représenter un combat à mort à coups de sortilèges, et son public était – et est encore à 62% – en large partie masculin, non[8] ? » Tout d’abord, si la notion de duel magique est sans conteste au fondement du jeu, cela ne saurait exclure par définition le recours à des artifices subtils et élégants pour parvenir à ses fins, en particulier dans des domaines liés au Blanc et au Bleu – et potentiellement aux artefacts. La magie, dans sa ou plutôt ses définitions possibles, autorise tous les stratagèmes imaginables. Elle peut revêtir des formes innombrables : violence brute, mais aussi illusion, protection, transformation, persuasion, évasion, manipulation… La réduire à une pure et frontale agression diminue conséquemment les façons de la représenter.
Cette sémantique de la violence trouve peut-être un écho dans l’évolution du jeu, en particulier dans l’emphase toujours plus forte donnée aux combats entre créatures et dans l’ajout du terme réglementaire champ de bataille pour désigner la principale zone active d’une partie : là où le jeu à ses débuts prenait place au sein d’un espace flou et virtuellement illimité assimilable à un monde entier, le « champ de bataille » renvoie à un imaginaire bien précis, celui du wargame.

Enfin, concernant le second point, le fait de viser explicitement un public masculin en employant des artifices visuels énoncés aussi grossièrement semble impliquer de renoncer à ouvrir le jeu aux personnes du genre féminin, ce qui pourrait être souhaitable – y compris au plan économique.
Restons mesurés. Magic est loin en réalité d’être l’univers fantastique le plus sexiste d’un point de vue graphique, si l’on compare avec d’autres produits japonais et occidentaux qui se complaisent dans la mise en scène de jeunes nymphes à peine vêtues dotées d’attributs sexuels secondaires ridiculement opulents. Mais si d’importants efforts de représentation ont été observables ces dernières années dans les visuels du jeu, par exemple pour inclure de nombreux personnages féminins combattants, il n’en reste pas moins que les illustrateurs ont largement opté pour cette agressivité ostentatoire, paradoxalement un peu « morne » car très stylisée[9]. Cela n’empêche d’ailleurs pas que nombre de femmes se révèlent intéressées par le jeu.
Pour anticiper les méprises, je ne prêche en aucun cas la disparition des représentations violentes dans Magic. Au contraire, je me complais occasionnellement dans la violence graphique crue et explicite, les épanchements sanguinolents, le gore[10]. Mais je sais aussi apprécier l’élégance d’une illustration poétique sans violence manifeste, même lorsqu’elle annonce pour l’adversaire une fin tragique et douloureuse.
Evidemment, et nous pouvons nous en réjouir, ces prescriptions sont loin d’être gravées dans le marbre, ce qui nous a épargné de ne subir que des hordes de guerriers aux muscles saillants et d’amazones à forte poitrine. Comme le rappelle opportunément Cavotta[11], la description de la carte, la soumission par les artistes des croquis préparatoires et les discussions qui prennent place à chaque étape entre responsables artistiques et illustrateurs permirent toujours de préserver le jeu de n’être qu’un tsunami de testostérone.
Passons sur ces prémisses. Le guide poursuit par une énumération de prescriptions, dont certaines sont parfaitement légitimes voire nécessaires, en fonction des grands types de carte. Par exemple, l’impératif de ne pas encombrer les illustrations des terrains avec des protagonistes facilite l’identification visuelle du type « terrain », et permet d’obtenir des représentations de paysages neutres dans lesquelles il est aisé pour le joueur de projeter une action ou des personnages – ce qui participe à l’immersion. Les célèbres Birds of Paradise d’Alpha, maintes fois réédités, ont ainsi été créés par Richard Garfield à partir d’une illustration de Mark Poole initialement prévue pour représenter une île (ou peut-être une Volcanic/Tropical Island)[12]. Le concepteur estima que l’image avec un oiseau placé au premier plan ne correspondait pas à ses attentes, et préféra « recycler » l’illustration sous forme de créature.

Le terrain représenté doit également respecter le contexte général de l’extension : cela aussi paraît relever du bon sens, puisque l’on imagine mal une île éditée pour Ere Glaciaire figurant un paradis tropical couvert de palmiers.
Le document se fait plus contraignant lorsqu’il s’agit des créatures, dans la mesure où il renvoie fréquemment l’artiste à une description spécifique contenue dans le guide, assortie d’un dessin. Même si les rédacteurs indiquent qu’un certain degré d’interprétation est autorisé, il est évident que cet aspect très descriptif et prescriptif représente un frein important à la création d’un concept original par l’artiste.
Un autre volet concerne le « packaging art », autrement dit les illustrations de cartes également destinées à apparaître sur des boîtes, emballages, etc. Celles-ci sont plus restrictives encore, et doivent notamment pouvoir être « détachées » du décor qui les environne. Enfin la partie généraliste du guide contient d’assez nombreux interdits abordés ailleurs dans ces analyses, comme celui des squelettes et des crânes trop « voyants » (dans la perspective du marché chinois), des symboles religieux issus du monde réel, du gore, de la nudité, etc.
Le document développe ensuite la philosophie propre à chaque couleur. Cette section est destinée aussi bien aux illustrateurs et écrivains qu’aux concepteurs des mécaniques du gameplay. La subdivision chromatique est fondamentale dans Magic, influençant aussi bien les thèmes liés aux différentes couleurs du pentacle que leurs capacités et restrictions spécifiques. A ma surprise, le guide propose une approche non-manichéenne relativement intelligente de ces fondamentaux, comme le mettent en évidence les descriptions du Blanc et du Noir.
- « Blanc. Mots-clefs : Ordre, Loi, Guérison, Lumière. Le Blanc aime les systèmes basés sur la loi et l’ordre. Les cités et les châteaux sont souvent blancs, par exemple, parce que la loi et l’ordre sont nécessaires pour construire et entretenir une cité. Le Blanc n’est pas « bon ». Le Noir n’est pas « mauvais ». Il y a du bon et du mauvais dans chaque couleur. Dans le meilleur des cas, le Blanc est juste et protecteur. Dans le pire des cas, le Blanc est fasciste et absolu. »
- « Noir. Mots-clefs : Egoïste, Mégalomane, Mort, Ténèbres. Le Noir désire tout le pouvoir pour lui seul, quel qu’en soit le prix. La magie noire est parasitaire et corruptrice. Dans le meilleur des cas, le Noir est ambitieux et assumé. Dans le pire des cas, le Noir est aliénant et dévorant. »
Cette approche psychologisante est intéressante en ce qu’elle s’efforce sinon de briser, du moins de nuancer les clichés attachés à chaque couleur, en particulier concernant les deux plus « binaires » d’entre elles. Bien sûr un rapide calcul nous montre que les adjectifs employés ont en majorité une acception moins péjorative dans le cas du Blanc que dans celui du Noir. Pourtant l’effort est louable, et n’est pas sans rappeler la vision du Blanc dans l’extension The Dark de Jesper Myrfors, ou encore celle de New Phyrexia, quoique pour des raisons sensiblement différentes. Ces deux extensions ont pour point commun de présenter le Blanc sous son aspect « le pire », tel que décrit dans le Style Guide : fasciste et absolutiste.
Myrfors, qui est probablement à l’origine de l’idée, écrivait ainsi : « Ma passion pour l’horreur et ma défiance à l’égard de la religion instituée marchèrent main dans la main pour créer le thème de ce set [The Dark]. Bien qu’il semble que celui-ci doive beaucoup aux Âges Sombres [« Dark Ages », expression souvent employée pour désigner le haut Moyen-âge, NdT], il s’inspire aussi considérablement de l’Inquisition espagnole et du puritanisme américain. Je voulais que cette extension montre que le Blanc n’était pas fait que de bisous et de fleurs, que le Blanc pouvait mener à la théocratie et au fascisme[13]. » Certaines cartes des blocs dits Innistrad ou Time Spiral rappellent également ce versant inquiétant.
Nous pouvons cependant déplorer que dans la longue histoire de Magic, de tels exemples d’ambivalence soient en définitive assez rares, les licornes bienveillantes, les preux chevaliers et les anges salvateurs étant très majoritaires dans les rangs immaculés. Je suis personnellement plus partagé concernant le Noir : si l’idée de le rendre un peu moins « monolithique » est intéressante philosophiquement, il me semble que l’association de cette couleur au Mal absolu est ce qui la rend particulièrement transgressive – et donc attirante pour beaucoup de joueurs.
Personnages et créatures
L’aspect le plus coercitif est sans doute le volet visuel du guide : les illustrations conceptuelles vont bien au-delà d’une simple description littéraire, puisque celle-ci ne sera jamais aussi précise et définitive qu’une représentation visuelle de l’objet décrit. De plus, le Style Guide de L’Epopée d’Urza indique explicitement en préambule qu’en cas d’informations contradictoires, les concepts visuels prennent le pas sur les données écrites[14]. Le compendium ainsi établit est expédié aux illustrateurs freelance choisis pour donner vie à ce monde – ou plus exactement à cette histoire. Un tel guide de référence devient bien entendu une nécessité dès l’instant où les concepts visuels s’articulent autour d’une narration très définie, avec ses héros et ses protagonistes récurrents, puisqu’il est impensable qu’un personnage change complètement d’apparence au gré des cartes et selon les fantaisies des artistes.
Nous voyons ainsi le même individu décliné sur de nombreuses cartes, généralement affublé des mêmes vêtements et accessoires, à l’instar du valeureux mais notoirement ennuyeux Gerrard Capashen, qui se lance dans une véritable OPA sur le bloc Tempête et les suivants. Selon le « responsable de la continuité » et illustrateur Pete Venters[15], « L’extension Tempête, par exemple, était bourrée de « plans narratifs ». Beaucoup de gens pensaient que l’équipage de l’Aquilon [le navire volant des héros, NdT] apparaissait trop souvent – en réponse, le nombre de « plans d’équipage » fut réduit pour le restant du cycle de Râjh. »
S’il serait excessif de parler de volte-face, Cavotta mentionne lui aussi un retour (tout relatif) à plus de souplesse après ce bloc, laissant entendre que les artistes eux-mêmes n’adhéraient pas avec enthousiasme à cette idée de reproduire sans arrêt les mêmes personnages en suivant un modèle narratif proche du storyboard[16]. La mise en place du branding graphique dans la seconde moitié des années 1990 nécessita donc quelques réglages. Les exemples ci-dessus mettent aussi en lumière une tendance qui devait s’installer dans la durée : de nombreuses cartes se mirent à ressembler davantage à des actions ou à des scènes de film qu’à de véritables sortilèges.
Mais le guide s’occupe aussi avec un grand luxe de détail des races génériques (nous devrions probablement parler d’espèces) de créatures qui arpentent les différents mondes ou plans – Dominaria, Râjh, Mercadia, Mirrodin, Phyrexia, Alara, etcaetera. Matt Cavotta affirme qu’il est par exemple indispensable de donner à chaque race de gobelin un aspect caractéristique, qui permette au joueur de l’associer au premier coup d’œil à son plan d’origine. Je n’insisterai jamais assez sur le fait que nous parlons bien de mondes entiers.

Arrêtons nous sur cette idée du Style Guide : un monde = un archétype de créature pour chaque espèce. Prenons le nôtre pour exemple – puisqu’un monde fantastique est en règle générale une sorte de variation sur le thème de celui que nous connaissons tous. Un clade comme celui des mammifères regroupe à l’heure actuelle 5507 espèces recensées, avec toutes les variations possibles, de la baleine bleue à la musaraigne en passant par les pangolins et les ornithorynques. Si l’on considère seulement l’« infra-ordre » des singes (plus courtoisement appelés simiiformes), celui-ci regroupe 147 espèces existant encore à l’heure actuelle, sans compter les centaines ou milliers d’espèces disparues au cours de l’histoire du vivant. Notre seul « genre », dit Homo, comprend 22 espèces connues archéologiquement, en excluant les lignées plus distantes, comme Australopithecus. Les spécialistes semblent tenir pour vraisemblable que plusieurs autres espèces ou sous-espèces de la lignée humaine ne soient pas encore connues archéologiquement ou n’aient pas été identifiées comme telles.
Toutes ces espèces disparues présentaient par définition des différences morphologiques avec la nôtre, jusqu’à la taille minuscule et aux proportions étranges de l’Homme de Florès. Notre espèce, enfin, comprend à son tour des variations physiques suffisamment marquées pour qu’il soit possible au premier regard de distinguer divers sous-groupes génétiques, avec par exemple des couleurs de peau allant d’un noir profond jusqu’au blanc laiteux.
Ces entités sont à leur tour subdivisées en de multiples ensembles et sous-ensembles ethniques : nous entrons alors dans le domaine de la culture, qui engendre des variations apparentes souvent plus spectaculaires que les seules différences génétiques au sein d’une espèce. Les modalités de vie en société, les visions du monde, les langues, les coutumes vestimentaires, les modifications corporelles, les rites mortuaires, les outils, les armes, peuvent différer radicalement y compris entre deux groupes géographiquement proches. A titre d’exemple, même à notre époque de nivellement culturel mondialisé, entre 6900 et 7000 langues sont encore parlées sur cette planète – nombre d’entre elles comprenant plusieurs variantes et pouvant être utilisées par de multiples sous-ensembles.
Pour rendre le propos plus tangible, voici un infime échantillon d’individus quasiment contemporains à l’échelle de notre histoire et appartenant tous à l’espèce Homo Sapiens :
Le but de cette petite digression phylogénétique et anthropologique était de garder à l’esprit ce vertige de la diversité, même sur ce monde ne comptant actuellement qu’une seule espèce (auto-)déclarée « intelligente ». Tout cela pour dire qu’il n’y a rien d’inconcevable à représenter des ethnies, des tribus, des castes, des sociétés, et bien entendu des individus très différents au sein d’une même espèce, sur un monde donné, à supposer même que le monde concerné ne soit arpenté que par une seule sous-espèce pour chaque type de créatures. En résumé, à peu près tout devrait être envisageable d’un point de vue iconographique, et vouloir restreindre culturellement ou physiquement le « look » d’une catégorie de créatures à un ou deux archétypes par monde n’a aucun sens, sauf en termes de propriété intellectuelle.
La contrainte, c’est la liberté ?
Matt Cavotta, confronté à un feu roulant de critiques concernant la « perte de créativité » déplorée par certains joueurs suite à son premier article sur les Style Guides en 2005, défend promptement l’approche de l’équipe créative, à laquelle il appartient. Face à ces accusations il n’hésite pas à soutenir, suivant l’exemple du chef designer Mark Rosewater, que les restrictions stimulent la créativité :
« Je n’ai à concevoir aucun personnage – ils sont déjà là pour moi, ce qui me laisse toute ma créativité pour définir la composition, la lumière, la couleur, et exécuter mon illustration[17]. La créativité ne consiste pas uniquement à montrer quelque chose que l’on n’a jamais vu auparavant – c’est montrer le déjà-vu d’une façon jamais vue auparavant [en gras dans le texte, NdT.]. Le Style Guide n’empêche pas les artistes d’utiliser leur créativité – il leur donne un canevas sur lequel travailler. Comme l’a dit bien des fois Mark Rosewater, les restrictions ne brident pas la créativité, elles lui permettent de s’épanouir. »
Que répondre à cela ? Beaucoup de choses. Pour commencer il serait imprudent de rejeter en bloc cet argumentaire : toute l’histoire de l’art démontre que la créativité peut exister au sein d’un cadre restrictif. Les artistes de la Renaissance exécutèrent les chefs-d’œuvre que l’on connaît dans un contexte essentiellement religieux, en répondant au cahier des charges de leur commanditaire du moment, et en adoptant des styles picturaux qui ne déviaient pas radicalement de ceux de leurs pairs. Leur singularité, leur talent, s’exprimaient à travers leur excellence technique, et par quelques libertés iconographiques et stylistiques savamment dosées, dans le cadre du sujet imposé. Remarquons d’ailleurs en aparté que la plupart des grandes pièces de la Renaissance relèveraient selon nos critères contemporains du champ de l’illustration ou des arts appliqués, ce qui rend d’autant plus stupide et infondé le mépris de principe à l’égard des pièces appartenant à ces catégories actuellement. Mais nous réglerons les comptes une autre fois.


Mais pour quelles raisons de telles restrictions s’imposaient-elles ? Parce qu’il était « plus stimulant » de s’infliger de nombreuses contraintes ? Non. Parce que la culture de ces artistes était fondée sur les Saintes Ecritures et les réinterprétations de l’antique, parce qu’ils étaient tributaires dans une certaine mesure des ateliers qui les avaient formés, parce que l’Eglise et la société n’auraient pu admettre de significatives infractions visuelles aux codes moraux, parce que les commanditaires étaient imprégnés d’une certaine conception de l’art et de la beauté, parce que l’artiste qui n’aurait suivi que ses instincts et son inspiration du moment aurait perdu sa réputation et ses possibilités de subsistance.
Certains d’ailleurs, parmi les plus grands, côtoyèrent dangereusement le scandale – rappelons-nous par exemple que la fresque du Jugement Dernier réalisée dans le second quart du XVIe siècle par Michel-Ange pour la fameuse Chapelle Sixtine vit ses nudités progressivement voilées, pour tempérer le courroux des autorités religieuses[18].

Les artistes actuels, qu’ils soient des stars internationales de l’art contemporain ou de « simples » illustrateurs de cartes à jouer, ne devraient pas avoir à subir de telles limitations. Notre époque a l’immense et effrayant privilège d’offrir sur le plan artistique plus de possibilités qu’aucune de celles qui l’ont précédé à notre connaissance. Moins de carcans sociaux, moraux, religieux. Moins de dictats politiques. Moins de rigueur esthétique. Une grande variété de modèles ou de repoussoirs ; un catalogue d’arts, d’ailleurs et d’autrefois, incomparable ; une histoire longue et mouvementée d’avant-gardes, de retours à l’antique, de ruptures, de réinterprétations. Nous pouvons décider d’appliquer ou non la perspective savante, redécouverte il y a six siècles. Nous pouvons utiliser un panel de techniques mises au point au cours des âges, en les combinant au gré de l’inspiration.
Ce qui est vrai d’un point de vue stylistique l’est autant sur le plan iconographique. Il est possible pour l’artiste curieux d’embrasser d’un regard plusieurs millénaires de cultures innombrables sur tous les continents du globe : une diversité qui devrait faire pâlir d’envie et de frustration n’importe quelle équipe créative chargée de concevoir un monde.
Mais le plasticien ambitieux ne se contentera pas de copier servilement l’un ou l’autre de ces motifs pris sur le vif, il les assemblera, les tordra, les réinventera, avec d’autant plus d’audace qu’il ne craindra pas l’hérésie. Ce qu’il choisira de donner à voir sera aussi important que la manière dont il souhaitera le montrer. Pourquoi dans ces conditions priver une œuvre d’une part aussi intéressante du processus créatif ? Pourquoi vouloir imposer un vêtement précis, un personnage, une architecture, un schéma de couleurs ? Une telle limitation peut difficilement être conçue comme une stimulation de la créativité, à moins de déclarer comme dans le roman d’Orwell « La liberté, c’est l’esclavage. »
Pourtant je ne suis pas en total désaccord avec Rosewater et Cavotta. Il faut admettre qu’un thème, un point de départ, une direction, peuvent parfois apporter à l’artiste une étincelle utile à la mise à feu. C’était exactement le rôle, à mon sens, du titre et des quelques éléments mécaniques donnés par les premiers directeurs artistiques. Affirmer que les premières éditions n’imposaient absolument aucune restriction est faux : comme nous l’avons vu les délais d’exécution étaient serrés, le format des cartes et du scanner très contraignants. Et si l’histoire n’était pas « forcée » en direction du joueur, cela ne signifie pas que chaque set n’avait pas son ambiance et ses thématiques propres, comme l’aspect muséographique et archéologique d’Antiquities, la tonalité sinistre de The Dark, les variations sur le thème du déclin et de la chute des civilisations dans Fallen Empires.
Cela dépend aussi des sensibilités ; certains et certaines préfèrent s’élancer depuis une toile blanche, d’autres apprécient davantage d’instructions ou d’indices, quitte à les contourner voire à les détourner ensuite. Il me semble qu’une bonne équipe créative devrait être capable de définir un cadre suffisamment vaste et peu directif pour laisser le champ libre (ou presque) aux premiers, tout en assistant davantage ceux qui auraient besoin d’une impulsion initiale plus forte.
Nous pouvons également conjecturer, de façon plus polémique, que l’inconfort ressenti par un artiste devant une quasi « page blanche » en termes d’instructions ne signifie pas automatiquement que ledit artiste sera incapable de dépasser cette situation et ne délivrera pas in fine une œuvre intéressante. L’illustrateur contemporain Seb McKinnon ne disait rien d’autre dans une interview pour Hipsters of the Coast. « C’est toujours un défi (mais un défi bienvenu !) lorsque nous recevons une description d’un directeur artistique qui dit en substance[19] : « voici une idée, mais nous sommes ouverts à vos suggestions. » C’est ce qui est arrivé avec Renaissance vengeresse : difficile d’un point de vue conceptuel, mais super fun au stade de l’exécution, surtout quand la pièce appelle une certaine abstraction. C’est une opportunité d’essayer de nouvelles choses en art. »

Sur ce sujet le responsable créatif Kelly Digges tient sur Twitter un discours remarquable[20]. Ravi de l’illustration livrée par McKinnon en cette occasion, il admet que celle-ci doit beaucoup à la liberté consentie à l’artiste, qui s’est empressé d’ignorer la suggestion (peu contraignante) de son commanditaire. Ou, plus exactement, a pris le parti de s’en inspirer très librement. Le créatif le reconnaît avec une désarmante franchise : « Il s’agit de l’une des plus belles œuvres jamais produites en ignorant pour l’essentiel la description artistique que j’avais écrite – mais c’est parce que la description était *conçue* pour être essentiellement ignorée. » Il donne ensuite le résumé approximatif de cette description :
« « C’est une représentation abstraite d’un sort qui fait revenir quelque chose qui a été détruit et inflige de furieux dégâts à autre chose. La chose renvoyée peut être une créature, un objet, ou même un sort. Voici une idée sur la façon de procéder, mais vous pouvez ignorer n’importe quel détail ci-dessous si vous trouvez un meilleur moyen de traiter l’idée de base. » Ma suggestion était une absurdité quelconque à propos d’une statue brisée en train d’être réparée par des vignes exubérantes. Pas génial, mais ça pouvait servir. » A en juger par le résultat final, McKinnon s’est contenté de garder l’idée des vignes régénératrices pour créer quelque chose de tout à fait personnel.

L’histoire ne s’arrête pas là, puisque selon Digges sa supérieure Cynthia Sheppard l’aurait encouragée à renouveler ce genre de commandes ouvertes. Il est cependant très vraisemblable qu’une telle consigne ne s’applique qu’aux sorts « abstraits », dans la mesure où ceux-ci peuvent se permettre d’échapper aux contraintes du lore et aux dictats visuels du scénario en cours. Et il est à peu près certain que la réputation de McKinnon lui permet de conserver dans une certaine mesure son autonomie conceptuelle.
Les responsables créatifs semblent quoi qu’il en soit admettre qu’une relative liberté artistique peut, au moins dans certaines circonstances, constituer un atout. Mais bien sûr il est impossible de discerner la marge de manœuvre exacte de ces agents, ou même la profondeur de leur intérêt pour une approche « ouverte », les communications critiques à ce sujet étant absentes des discours émis par les individus dont la carrière est encore sous l’ombre de WotC. Le ton dominant parmi les employés est plutôt celui d’un « corporate talk » exaltant les vertus artistiques promues par la compagnie, l’ineffable félicité de travailler pour une licence telle que Magic, la sagesse des décisions prises par les responsables, etc. Les sujets sensibles sont généralement éludés.
En tout état de cause, on comprend mal en quoi laisser le choix du style à l’illustrateur tout en lui imposant une iconographie très spécifique peut favoriser davantage la créativité que de laisser à l’artiste la mainmise sur tous les aspects créatifs. Cavotta et Rosewater semblent plutôt vouloir faire passer une vessie pour une lanterne, et déguiser un acte coercitif en geste libérateur. « Je n’ai à concevoir aucun personnage – ils sont déjà là pour moi, ce qui me laisse toute ma créativité […] », affirme le premier. Cette phrase sonne comme un nouvel aveu, puisqu’il parle bien de se dispenser de « concevoir » (« to design »). En outre, l’assertion « ce qui me laisse toute ma créativité » paraît impliquer que, comme le mana, la créativité s’épuise lorsque l’on s’en sert, ce dont il est permis de douter.

Plus tard, il précise sa vision avec l’exemple des lions humanoïdes présentés dans le Style Guide de Mirrodin : « Les artistes ne luttent pas pour trouver l’apparence de leur propre marque de peuple lion métallisé – ils peuvent se concentrer sur une bonne composition, de bons coloris et une bonne ambiance[21]. » Notons l’usage, peut-être symptomatique, du terme « marque » (« brand »). Il semble en tout cas que pour Cavotta la définition d’un bon illustrateur se confonde avec celle d’un pur exécutant.
[1]https://www.bigar.com/articles/2018/10/03/peteventers-interview.html↩
[2]https://magic.wizards.com/en/articles/archive/tea-and-biscuits-pete-venters-2007-06-07↩
[3]https://magic.wizards.com/en/articles/archive/feature/magic-style-guide-2002-02-01 (Jeremy Cranford)↩
[4]https://magic.wizards.com/en/articles/archive/savor-flavor/magic-style-guide-part-1-2005-09-07 (Matt Cavotta)↩
[5]https://gdcvault.com/play/1024044/Achieving-Two-Worlds-Every-Year, conférence de Jeremy Jarvis lors de la GDC (Games Developers Conference) 2017, Achieving Two Worlds, Every Year: How ‘Magic the Gathering’ Sustainably Doubled Its Worldbuilding, 12’32”.↩
[6]https://magic.wizards.com/en/articles/archive/feature/magic-style-guide-part-15-2005-09-14↩
[7]« Magic is a head-to-head battle of wits in which two spellcasting warriors fight to the death with magic and armies of bad-ass creatures. Every card illustration should work in that context: active, aggressive, cool, wicked, “edgy.” The word “magepunk” works for us. Remember, your audience is BOYS 14 and up ». https://magic.wizards.com/en/articles/archive/savor-flavor/magic-style-guide-part-1-2005-09-07, CAVOTTA Matt↩
[8]https://markrosewater.tumblr.com/post/110840728088/do-you-guys-have-any-data-on-the-breakdown-of-the↩
[9]Cette affirmation est moins vraie concernant l’une des dernières extensions intitulée Le trône d’Eldraine. Celle-ci puise son inspiration directement parmi les contes et fables folkloriques, dans lesquels la violence prend souvent la forme d’une menace latente plutôt qu’explicite (le loup cauteleux du Chaperon Rouge, la maison en sucreries d’Hansel et Gretel, la chambre fermée à clef dans Barbe Bleue, etc.).↩
[10]Dans le même Style Guide pour Kamigawa, il est toutefois possible de lire : « Keep gore at a PG-13 level » (« gardez le gore au niveau du PG-13 »). Selon cette classification établie initialement pour le cinéma, un PG-13 (Parental Guidance pour les enfants de moins de 13 ans) est susceptible de présenter de la violence, mais en principe « pas de violence réaliste, extrême ou persistante. » Le niveau acceptable de violence en fonction de ces critères paraît évidemment se prêter à des interprétations variées (Classification And Rating Rules, Motion Picture Association of America, National Association of Theatre Owners, Inc., 2010, https://www.filmratings.com/downloads/rating_rules.pdf).↩
[11]https://magic.wizards.com/en/articles/archive/feature/magic-style-guide-part-15-2005-09-14↩
[12]https://mtg.gamepedia.com/Birds_of_Paradise#cite_note-1↩
[13]« My love of horror and my distrust of organized religion went hand in hand to create the theme to that set. While it appears the set owes a lot to the Dark Ages, it also owes much to the Spanish Inquisition and American puritanism. It was a set in which I wanted to show that White was not all kisses and flowers, that White could descend into theocracy and fascism. » Jesper Myrfors (mtggoldfish.com)↩
[14]https://magic.wizards.com/en/articles/archive/arcana/argoth-2009-11-24↩
[15]« The Tempest expansion, for example, was loaded with “plot shots.” Many people thought that the Weatherlight crew appeared too often—accordingly, the number of “crew shots” was reduced for the rest of the Rath cycle. », https://magic.wizards.com/en/articles/archive/what-you-see-what-you-get-2009-06-01.↩
[16]https://magic.wizards.com/en/articles/archive/how-art-thou-2007-07-05↩
[17]« I don’t have to design any characters- they’re there for me, so that leaves all my creativity to find out how best to compose, light, color, and execute my illustration. Creativity is not just showing something that’s never been seen before- it’s showing what we’ve already seen in a way we haven’t seen before. The Style Guide does not keep artists from using their creativity- it gives them a framework upon which to stretch it. As Mark Rosewater has said so many times, restrictions don’t stifle creativity, they allow it to flourish. » https://magic.wizards.com/en/articles/archive/feature/magic-style-guide-part-15-2005-09-14↩
[18]http://mucri.univ-paris1.fr/un-sexe-equivoque/↩
[19]« It’s always a challenge (though a welcomed one!) when I receive an art description from an Art Director that basically says: “here’s one idea, but we’re open to your suggestions.” That’s what happened for Vengeful Rebirth: Challenging at the conceptual level, but then super fun at the execution stage, especially when the piece calls for a certain abstraction. It’s an opportunity to try new things with art. » https://www.hipstersofthecoast.com/2019/01/behind-the-brush-seb-mckinnon/.↩
[20]https://twitter.com/kellydigges/status/1065290256432345089↩
[21]« Artists do not struggle with figuring out what their own special brand of metallicized lion people look like- they get to concentrate on good composition, color and mood. » https://magic.wizards.com/en/articles/archive/style-guide-part-2-2005-09-21↩