
De la diversité des styles
Au fil des ergotages nostalgiques dont les échos hantent la toile, un accusé se trouve fréquemment accablé de tous les maux dès qu’il s’agit de fustiger l’évolution visuelle de Magic : L’Assemblée. Je veux parler, bien sûr, du médium numérique. Même si tous les artistes employés par WotC ne sont pas des adeptes de l’illustration digitale, il faut avouer que celle-ci domine aujourd’hui largement le paysage fantastique du jeu. Si vous avez eu le courage de lire les articles précédents, vous vous attendez sans doute à trouver ici d’autres imprécations contre « la gangrène numérique ». Vous ne serez pas déçu, rassurez-vous ; cependant vous verrez un peu plus loin que je m’efforcerai de nuancer le propos, une fois n’est pas coutume.
Cherchons à préciser le contenu de ces critiques. Le péché capital, tout d’abord, qui rejoint un thème récurrent dans cette série d’articles : le suremploi du numérique peut contribuer à gommer les différences entre les styles. Mais en quoi au juste ? Attardons-nous sur quelques exemples distincts. Les textures sont lissées ; les effets de flou (type motion blur) se ressemblent d’une carte à l’autre ; les effets digitaux tendent à uniformiser le travail sur la lumière, les flammes, l’eau, etc., en élaguant la pluralité et l’élégance des solutions visuelles possibles pour rendre compte de ces éléments complexes.
Mais encore ? Les techniques picturales et les media exploités dans Magic étaient originellement multiples : peinture à l’huile (Dan Frazier), aquarelle (Drew Tucker, Margaret Organ-Kean), acrylique (Richard Thomas, Jeff Menges), gouache (Terese Nielsen), crayons de couleur (Julie Baroh, Andi Rusu), aérographe (Harold McNeill), feutre (Rick Emond)… La diversité des techniques encourageait des approches différentes et contribuait à la richesse des styles, comme le rappelait l’illustrateur Edward Beard Jr. sur le site BigAR[1].
Vous n’êtes pas convaincus par ces propos d’un passéisme affligeant ? Laissez-moi vous montrer quelques exemples de rendus pyrotechniques old school :
Suivis d’exemples plus contemporains :
C’est brûlant, c’est beau. Les rendus sont invariablement réalistes ; les couleurs digitales saturées donnent à chaque illustration un aspect éclatant qui fonctionne à merveille pour livrer des flammes « plus vraies que nature » – n’oublions pas toutefois que l’amélioration de la qualité d’impression contribue aussi à la vivacité des couleurs. Nous y perdons quoiqu’il en soit en variété stylistique.
Vous n’êtes toujours pas convertis ? Voyons maintenant l’élément aquatique, dans ses déclinaisons antiques :
Et voici quelques exemples de rendus contemporains :
A nouveau, le problème n’est pas que l’apparence actuelle de l’élément liquide puisse être taxée d’immondice. Non, le problème demeure la perte sèche en termes de styles. Toutes les représentations aquatiques récentes, sans aucune exception, privilégient un style assimilable au réalisme. Toutes. Bien sûr les couleurs peuvent varier, de même que certains effets ou la « forme » de l’eau : vagues, trombes, rouleaux, écume… Mais l’utilisation d’un logiciel d’image combinée à une sensibilité invariablement naturaliste dispense les illustrateurs d’avoir recours à des raccourcis graphiques – propres à chacun ou empruntés à des « écoles ». A l’exception peut-être de l’éphémère Profondeurs du désir, qui semble un peu plus proche de la peinture académique véritable (on pense vaguement au Radeau de la Méduse de Théodore Géricault mais aussi aux « marines » du XIXe siècle), ces flots digitaux évoquent plutôt les jeux vidéo voire la publicité ; certaines représentations ne dépareraient pas une boîte de lessive ou de bain de bouche.
Un outil ambivalent
Pour autant, il ne s’agit pas de dénigrer systématiquement l’emploi du numérique et ceux qui recourent à cet outil dans leur travail. Tout d’abord, le digital est présent dans Magic depuis longtemps, qu’il s’agisse d’élaborer les cadres et le dos des cartes, d’ajouter des effets à l’illustration, ou de corriger la balance des couleurs ou la luminosité d’une œuvre. Techniquement, l’illustration intégralement numérique existe déjà à la sortie de l’édition dite Beta en 1993 : le Cercle de protection : noir est en effet une création Photoshop de dernière minute réalisée par Jesper Myrfors après qu’il ait constaté l’omission de celui-ci dans la liste des Cercles imprimés pour Alpha[2]…

Au-delà de l’anecdote, il serait vain de séparer mécaniquement art digital et art traditionnel dans un contexte comme celui-ci, les pièces peintes ou dessinées étant scannées et potentiellement éditées sur ordinateur pour faire l’objet de divers ajustements ; d’autre part certains artistes optent depuis longtemps pour une approche mixte. Quant au numérique en tant que véritable médium autonome, mon avis n’est pas aussi tranché que j’ai pu le laisser croire jusqu’ici.
Car il ne s’agit, en définitive, que de cela : un simple médium artistique, au sens d’un outil – ou plutôt d’une technique – utilisée par l’artiste pour donner corps à sa vision. Il n’existe donc pas de différence essentielle entre, disons, la peinture à l’huile, et une œuvre entièrement réalisée sur ordinateur au moyen d’un logiciel graphique. Comme la peinture à l’huile ou d’autres media matériels, le numérique se prête à une grande variété d’utilisations et de rendus. Un artiste qui l’utilise avec maestria peut aller jusqu’à en camoufler la nature, même si un œil exercé parvient généralement à déceler quelques détails caractéristiques.

Mais il n’est pas nécessaire de faire passer une œuvre élaborée sur ordinateur pour ce qu’elle n’est pas, et le rendu digital a ses propres mérites – il suffit pour s’en convaincre de se pencher par exemple sur l’œuvre de Mike Winkelmann alias Beeple. Celui-ci persévère dans un style numérique assumé, noyé de couleurs artificielles souvent chatoyantes ; il donne à voir des paysages qui vont de constructions dystopiques jusqu’aux enchevêtrements de structures et aux efflorescences abstraites. Bien sûr l’utilisation d’un tel style dans un contexte de fantasy – lequel emprunte traditionnellement au passé un grand nombre de ses références – serait légitimement sujet à débat. De façon générale il est difficile de nier, encore à l’heure actuelle, que la nature digitale d’une œuvre a tendance à se manifester par un aspect plus « clinique », plus lisse, par une patine un peu plus minérale et artificielle, même dans ses manifestations organiques.

Précisons que la question de la performance pour elle-même ne m’intéresse pas outre mesure. Il est à peu près certain que les bases de fonctionnement d’un logiciel graphique sont plus rapidement et aisément maîtrisées que n’importe quel nouveau médium artistique, du moins pour un individu déjà familiarisé avec l’utilisation d’un ordinateur ainsi qu’avec les règles de la perspective et de la composition. Les logiciels sont en effet optimisés pour faciliter au maximum le travail de l’artiste, en recourant à divers outils : les calques que l’on peut ajouter, modifier ou retirer à volonté ; la « pipette » qui permet de prélever d’un click n’importe quelle couleur trouvée dans la banque d’images presque infinie qu’est devenu Internet, dispensant l’utilisateur d’un long et savant travail de préparation des couleurs ; la gomme virtuelle et, surtout, la fonction « retour », qui autorisent à effacer en un clin d’œil une erreur ou un choix malheureux, là où les peintres devaient auparavant apprendre à camoufler les aléas ou les intégrer bon gré mal gré à l’œuvre. Ajoutons la possibilité d’expérimenter très rapidement toutes sortes de compositions et de palettes, la vitesse d’exécution sans commune mesure d’un dégradé, etc., etc.

Même si l’art digital requiert encore des compétences, y compris graphiques, tout cela signifie que le travail est plus facile et surtout beaucoup plus rapide qu’à travers un médium traditionnel – ce qui pour Wizards of the Coast a pu jouer un rôle également dans la décision de recourir surtout à des illustrateurs maîtrisant parfaitement l’approche numérique. En d’autres termes, la notion de rendement est certainement centrale dans la généralisation de cette approche. Toutefois, et il est important de le souligner, la question de savoir si les artistes actuels sont moins « méritants » que leurs prédécesseurs ne m’intéresse que très marginalement. Mon attention se porte bien davantage sur les résultats du geste artistique que sur la difficulté supposée de telle ou telle méthode.
Mes reproches concernent en fait deux points spécifiques : l’usage qui est généralement fait du numérique dans Magic, et le recours massif à ce médium. Concernant l’usage, il est facile de se rendre compte que le style privilégié est presque unique et ne se démarque pas notablement d’autres productions ludiques, en dépit du champ des possibles ouvert par cette technique. De plus, il me semble qu’un nombre assez élevé d’illustrations sont « construites » à l’aide de logiciels de modélisation 3D utilisés par les industries du film et du jeu vidéo, type Blender, Autodesk Maya ou Bryce. Certains artistes ne cachent pas que leur travail préparatoire est facilité par l’usage de la 3D, notamment pour les pièces reposant sur une perspective complexe[3]. Comme nous l’avions évoqué dans Eloge de la sobriété, cela peut en retour encourager une surenchère visuelle dommageable pour la lisibilité d’une pièce, entre autres inconvénients.

La créature bleue Ancêtre du lac de Perle a été modélisée de façon suffisamment décomplexée pour provoquer à sa sortie des critiques plus nombreuses et acerbes qu’à l’accoutumée, allant jusqu’à assimiler le monstre aux rendus graphiques de la console Playstation 1 – ce qui est excessif, reconnaissons-le. L’auteur a comme souvent été formé à l’usage des programmes 3D et de Photoshop au contact de l’industrie vidéoludique[4].

Il est clair cependant que bon nombre d’autres artistes actuels font de ces logiciels un usage généreux. Le problème étant que cette pratique accouche régulièrement de textures trop lisses, de modelés un peu raides, de perspectives à la fois inutilement savantes et ultra-réalistes, d’un traitement standardisé des effets lumineux et des différents éléments graphiques, donc de rendus d’une grande similitude, moins adaptés en définitive à une carte qu’à un coffret de jeu vidéo.
Pourquoi ? Tout simplement parce que là encore, le recours à des outils technologiques facilitant la mise en place d’une composition, de volumes et de textures au plus proche du réel dispense l’artiste des approximations, des raccourcis et des astuces personnelles, leur substituant une mimesis sans aspérités qui n’est que le résultat de calculs techniquement parfaits. Il serait outrancier de prétendre que rigoureusement plus rien ne distingue un illustrateur d’un autre illustrateur, mais le langage propre à chacun, qui naissait des forces comme des faiblesses et savait métamorphoser parfois une lacune en trait de caractère, s’est notablement appauvri.
Du bon usage du numérique
Le logiciel graphique devient ainsi un outil au service du nivellement des particularités, plutôt qu’un moyen d’expression au plein sens du terme. La meilleure façon de prendre conscience de ce médiocre emploi du digital, et de l’inanité de la direction artistique actuelle, consiste précisément à s’attarder sur la production des deux principaux contre-exemples encore au service de WotC, lesquels ne dédaignent pas pour autant l’emploi du numérique dans leur travail, c’est-à-dire Nils Hamm et Seb McKinnon. Les deux artistes ont déjà fait l’objet de multiples analyses et interviews, notamment par la chaîne Rhystic Studies, vers laquelle je vous renvoie[5].
Nils Hamm, qui a signé son premier contrat pour Magic en 2007 (Visions de l’avenir), est reconnaissable entre mille à l’usage de couleurs délavées et faiblement contrastées, de contours flous, de fonds brumeux et de compositions simples et lisibles.

Il explique que la fantasy et la bande-dessinée – tant américaine que franco-belge[6] – déterminèrent son attrait pour le dessin, mais que ses professeurs l’aidèrent à développer son intérêt pour les arts au-delà de ces domaines, en lui faisant découvrir notamment les artistes allemands Käthe Kollwitz, Egon Schiele ou Horst Janssen[7]. De son propre aveu, l’imaginaire de Hamm porte aussi l’empreinte profonde laissée sur sa psyché par l’étrange long-métrage d’animation franco-tchèque La Planète sauvage, de René Laloux (1973), qu’il eut l’occasion de voir enfant[8]. Il cite l’expressionniste américain Rick Berry en tant qu’influence majeure et se déclare intéressé par le travail de certains plasticiens contemporains, comme Phil Hale ou James Jean. Ci-dessous en haut à gauche Prove It de R. Berry, puis dans le sens des aiguilles d’une montre : Torment de P. Hale, Udon II par J. Jean et une affiche pour La planète sauvage de R. Laloux.
Il n’est donc guère risqué d’affirmer que l’univers visuel de Hamm est tributaire d’influences très diverses ; son cosmos doit autant aux illustrateurs « cultes » que sont Frank Frazetta, Boris Valejo, Simon Bisley ou Larry Elmore qu’à des œuvres beaucoup plus éloignées de la fantasy classique.
Ses media de prédilection ne se limitent pas au numérique, puisque Hamm maîtrise notamment la peinture à l’huile et l’aquarelle, ce qui ne l’empêche pas d’apprécier également la flexibilité offerte par les logiciels, comme la possibilité de superposer et de jouer avec les « calques ». Il privilégie ainsi le tâtonnement expérimental et l’accident heureux, dans son approche digitale comme avec les media physiques, mélangeant volontiers les différentes techniques. Cette façon de travailler s’accommode évidemment mal des restrictions ; il déclare qu’en ce qui le concerne la meilleure description possible d’une pièce par des commanditaires serait quelque chose comme « Nils, dessine-nous une sorcière[9]. »
Seb McKinnon, qui ne cache pas son admiration pour Hamm (la réciproque est vraie), a débuté sa carrière chez WotC en 2012. Dès le début, il se distingue par le caractère fin et précieux des éléments qui peuplent ses compositions, et par l’usage là encore d’effets « brumeux » donnant à ses œuvres une atmosphère irréelle, éthérée. L’influence des contes de fées traditionnels et de leurs illustrateurs est très prégnante dans son œuvre, particulièrement le travail d’Alan Lee et celui du Suédois John Bauer.
Avec le temps son art s’est fait plus audacieux, développant un style bidimensionnel jusqu’à évoquer la miniature, ou n’hésitant pas à recourir parfois à une composition séquentielle proche des expériences du mouvement futuriste ou de celles de Marcel Duchamp au début du XXe siècle (comme ci-dessous à gauche le Nu descendant l’escalier, en 1912), c’est-à-dire illustrant dans une même peinture un mouvement ou un processus par une succession de vues représentant le même personnage dans différents états.
Autre point remarquable, il déclare apprécier particulièrement l’art des plus anciennes cartes éditées pour le jeu[10]. McKinnon est un joueur de la première heure, happé par Magic dès l’enfance ; les illustrations ont joué dans sa conversion un rôle décisif et selon ses termes « […] une part de [lui-même] canalise les sensations de cette époque en peignant. » Il est donc permis de penser que cette influence des premiers artworks du jeu sur son développement artistique n’est pas étrangère à la formation d’un style qui ne craint pas d’affirmer sa distinction.
Les deux peintres semblent avoir en commun une appétence pour des artistes situés également hors de la sphère classique, et un goût pour l’expérimentation. Au vu de « l’hétérogénéité » de certaines de leurs illustrations, y compris récentes, nous pouvons nous émerveiller que WotC ne mette pas fin à leur contrat sans plus attendre. Leur grande popularité les préserve peut-être d’un tel sort.
Remarquons néanmoins que la dernière extension en date à l’heure où j’écris ces lignes, Ikoria, n’a vu que deux illustrations (relativement conventionnelles) confiées à Nils Hamm ; si McKinnon en a assumé six pour sa part, il s’agit pour cinq d’entre elles de rituels particuliers appelés « mythes » (la sixième étant un éphémère). Ils se prêtent admirablement au style de l’artiste, qui livre des visions évoquant l’art pariétal. Pourtant – certains m’accuseront d’avoir mauvais esprit – je ne peux m’empêcher d’y voir une façon habile de « circonscrire » les particularismes de McKinnon en associant son style à une catégorie bien définie de sorts, renforçant en conséquence l’uniformité du corporate style prévalant pour le reste des cartes, notamment concernant les créatures qui forment le plus gros contingent d’une édition.
Autre sujet d’étonnement, si Nils Hamm a été recruté en 2006 ou 2007 pour l’extension Visions de l’avenir, à la faveur d’une période d’assouplissement relatif de la direction artistique, Seb McKinnon en revanche n’a rejoint l’aventure qu’en 2012 (sur l’édition de base Magic 2013), époque à laquelle la raideur graphique était déjà manifeste. Si l’on examine d’un œil critique sa production, il faut bien reconnaître que ses toutes premières pièces, comme le chevalier ci-dessous, reflètent une approche sensiblement plus conventionnelle du sujet, à même de séduire un Jeremy Jarvis (le principal directeur artistique) soucieux de préserver les standards.

Touches-à-tout portés sur l’expérimentation, Hamm et McKinnon affectionnent ainsi tous deux l’usage de techniques mixtes, ne dédaignant ni l’écran d’ordinateur ni les crayons et pinceaux. Ce qui leur permet de s’extraire du tout-venant des illustrateurs n’est donc pas leur refus d’utiliser les techniques numériques contemporaines, qu’ils maîtrisent parfaitement et utilisent dans la grande majorité de leurs pièces, mais leur volonté de subordonner l’outil digital à leur expression singulière, sans laisser ce médium leur dicter la forme de leur art, sans se laisser emporter par les flatteuses et spectaculaires facilités offertes. En premier lieu, indépendamment du médium employé, cette originalité semble le fruit d’une culture visuelle hétéroclite et d’une grande curiosité artistique, là où nombre de leurs contemporains paraissent se borner à des références plus étroites et convenues, du moins telles qu’elles transparaissent dans leurs illustrations pour Magic. Nous reviendrons sur cet aspect.
Ces deux cas ne sont pas tout à fait les seuls artistes intéressants au sein de l’actuel pool de WotC, bien entendu. Pour ne citer qu’un exemple, plusieurs pièces du grand concept artist Vincent Proce ont retenu mon attention tant par leur excellence technique et l’intelligence de leur conception que par l’inventivité qu’elles mettent en œuvre. Pourtant, même dans un tel cas, l’approche demeure relativement académique, fidèle dans la forme aux canons contemporains du divertissement. Cela ne signifie pas qu’un illustrateur comme Proce n’a pas selon moi sa place dans le jeu, mais il ne saurait constituer contrairement aux deux précédents un exemple de très forte singularité graphique.
Mais revenons à nos moutons numériques. Quelle conclusion, quelle sentence devrait clore notre bref examen, limité au contexte de Magic, du médium digital ? Donnons raison aux grincheux : le rôle de ce dernier dans la standardisation rampante du jeu ne fait aucun doute. Les logiciels graphiques ont contribué par leur diffusion massive, par leur facilité et leur souplesse d’utilisation, par la similitude de leurs effets, à créer ce « look cohérent », unifié, recherché comme la Sainte Croix par les directeurs artistiques sous la férule des commerciaux, comme nous l’avons vu et comme nous le reverrons.
Toutefois le problème de fond est moins le numérique en lui-même que son exploitation en tant qu’interface de lissage, alors qu’il pourrait être un outil démultipliant les possibilités de l’artiste : les exemples de Hamm et McKinnon nous offrent un aperçu de ce pourrait être un usage raisonné et inventif de l’ordinateur au service de l’illustration. En ce sens, le logiciel n’est là encore qu’un moyen mis au service d’une fin douteuse, et non la cause première de l’uniformisation qui nous préoccupe. Nous reviendrons certainement sur des aspects plus spécifiques des problèmes liés au tout-digital dans des articles ultérieurs, ce qui nous permettra d’en mieux percevoir les origines et les conséquences – assez lamentables. Nous verrons aussi que ce courant ne vient que renforcer un mouvement de fond qui trouve sa source en d’autres lieux.
[1]https://www.bigar.com/articles/2018/10/24/edbeard-interview.html↩
[2]http://casualhornan.blogspot.com/2015/08/interview-with-jesper-myrfors.html↩
[3]Cf. par exemple Dmitry Burmak, https://www.bigar.com/articles/2019/07/03/dmitryburmak-interview.html, Steve Argyle, https://www.bigar.com/articles/2019/03/20/steveargyle-interview.html, ou encore Titus Lunter, http://casualhornan.blogspot.com/2016/10/interview-with-titus-lunter.html. Les trois illustrateurs se montrent parfaitement honnêtes quant à leur usage de la 3D pour créer éclairages, perspectives et compositions « réalistes ».↩
[4]https://www.bigar.com/articles/2019/03/27/richardwright-interview.html↩
[5]https://www.youtube.com/user/themagicmansam33↩
[6]https://pucatrade.com/articles/2016/artistspotlight_nilshamm↩
[7]https://www.bigar.com/articles/2019/02/20/nilshamm-interview.html↩
[8]https://pucatrade.com/articles/2016/artistspotlight_nilshamm↩
[9]https://www.bigar.com/articles/2019/02/20/nilshamm-interview.html↩
[10]http://casualhornan.blogspot.com/2018/01/interview-with-seb-mckinnon.html↩